samedi 16 juin 2007

Descente

Jeudi, étonnante journée que je mûris encore.

Tu es sur msn, dès le matin. Ça fait plus d'un mois que je ne T'y ai plus croisé. Ça ne T'intéresse plus, Tu n'en as plus besoin.

Je me jette dans la gueule du loup, et je lance une discussion. Creuse. Pleine de longues pauses. Tu travailles en même temps, moi aussi, en plus d'une discussion avec un autre contact qui a mon ressenti en temps réel. Très attentionné, le jeune homme, que je distrais de cette histoire navrante.

Te racontant ma prochaine semaine, j'essaie de te faire croire que "je pars". Pour susciter Ta curiosité, je veux te laisser croire que j'ai tout plaqué. Ça ne prend pas. Toi qui m'a dit maintes fois que je suis profond, complexe et que tout le monde s'y laisse prendre, Tu vois toujours profondément en moi. Je suis furieux contre moi-même, contre Toi qui veux toujours être mon ami.

Près de midi, tu me proposes de déjeuner ensemble. Je refuse. En deux mots, tu comprends, là encore, pourquoi "je m'en voudrais doublement". Midi, c'est le créneau du sport, qui me vide. Et je ne dois pas volontairement me blesser à ton contact. Tu comprends.

Dix minutes plus tard, j'attaque ma séance de sport bile en tête. Vingt minutes plus tard, mon corps a brusquement refusé l'effort. Contracture au dos. Je suis dépité, déprimé. Je m'étire un moment et choisis de continuer par du cardio... Peu importe le volume du mp3, Tu es dans ma tête. Les rares mots que nous avons échangé me blessent. Ma faiblesse devant toi me consterne. Je sais pourquoi je me suis blessé, inconsciemment.

Mon dos tire encore, et je Te vois. Je Te vois, je T'entends, je Te sens comme je n'ai jamais réussi à me remémorer un absent. Je lutte contre Toi, je lutte... contre moi. Chaque minute s'écoule avec l'envie de tout arrêter et de partir vraiment. La douleur dans les jambes n'arrive pas à T'effacer, même temporairement. Je suis sur le point de pleurer. J'aimerais le faire, craquer pour que Tu sortes de moi. Mais ça ne vient pas.

Je finis par aller me doucher, plus personne dans la salle et tant mieux, je n'ai pas envie de socialiser. Je rentre au bureau, un clope réconfortant aux lèvres.

Je m'assieds à mon poste, vérifie les mails. Klaxon.

Je sursaute, me retourne en grimaçant.

Mais Tu es là, garé en vrac devant le bureau. Rayonnant dans Ton cabriolet.

Résigné, je me lève. Le temps du premier pas, mon orgueil prend le dessus. J'avance avec la plus belle allure possible. Je te fais la bise que Tu me faisais toujours, à moitié sur la bouche, deux fois. Je t'ai pris par l'épaule. Aucune conscience de moi, de mon corps, mais Tu es près de moi, volontairement, pour me montrer mon reflet dans tes yeux.

Tu me souris et m'admire. Ça tombe bien, je suis habillé comme Tu aimes : une jolie chemise simple et un pantalon de ville. Que j'avais achetés exprès pour Te plaire. Tu découvres mes cheveux tondus, un ras-le-bol de moi-même que tu as causé. Tu me trouves beau, Tu me le dis, je m'en étonne ouvertement. Tu plaisantes en remarquant que Tu trouvais que ton coiffeur T'avait coupé très court et que tu vois maintenant ce que c'est que "court". Tu fais le tour de moi. Mais tu n'as pas vu que j'avais minci, alors que tout le monde ne voit que ça, rien qu'à mon visage, depuis deux semaines. Et que tu sais que ça compte pour moi.

Tu me dis que Tu as déjeuné seul, pour te faire plaindre, et je ne sais plus quelles banalités. Je vois Ton menton plein de boutons (?!?), ton jean pas très flatteur, un t-shirt débraillé. Rien à voir avec la classe à laquelle Tu m'as habitué. Tu as pris du ventre, et ta quarantaine ne s'en accommode pas bien. Je T'avais dit d'y faire attention... Dès notre première et brève entrevue.

Je ne suis pas bavard, et tu dois aller au travail. Peu de temps pour discuter, et je n'en ai de toutes façons pas envie. Je fais bonne mine, je crois.

Nous nous quittons et tu me demandes de ne pas hésiter à t'appeler. Je te réponds que je ne veux pas. Tu me demandes de répéter, ce que je fais. Ton air habituel, ta réplique habituelle : "et voilà, c'est moi qui suis puni." Dis-donc, il faudrait voir à ne pas confondre... C'est bien Toi qui as fout fait pour je tombe amoureux et qui n'a pas eu la patience d'attendre que je le réalise. Toi qui as accepté les avances d'un autre en même temps que j'avançais vers toi et commençais à réaliser à quel point je me sentais bien, beau et fort grâce à toi.

Tu remontes dans ta voiture pendant que je retourne à mon poste. Tu me fais signe en partant, je reste juste tourné vers toi, volontairement avec l'air contrit de celui qui te regarde partir en n'ayant pas le choix. Tu mimes un appel téléphonique, j'acquiesce.

Tu n'est plus là, et je réalise. Froidement, je me rends compte que je n'ai pas vibré. Que je n'ai pas été séduit. Pas été furieux non plus. Juste froid.

Je t'appellerai, pour te dire qu'on déjeune ensemble quand tu veux. Ou je passerai à l'improviste à ton boulot. Je suis guéri de toi. Il ne me reste qu'à guérir de l'idée que je me faisais de toi, et de ce putain de rêve de prince charmant.

Tu as remarqué ? Non, je ne crois pas. Pourtant, Tu est devenu tu.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau, très sobre, très émouvant...
Je m'abstiendrai de tout commentaire sur le fond de cette histoire, je ne la connais pas, je la découvre.
mais... Il me semble que tu es sur le bon chemin...

twisted a dit…

Comment dire... ça me fait tout chose que mon tout premier commentaire soit de toi, "parce que".
Le bon chemin j'essaie de le trouver, bien sûr.
Merci, monsieur l'épicier :-)

Anonyme a dit…

C'est beau mais c'est triste.
Et puis c'est compliqué. Mais pas brouillon.

twisted a dit…

@ benjamin :
Oui, je sais, je ne respire pas la joie de vivre, surtout à l'écrit, en cemoment. J'espère bien offrir un autre visage un de ces jours prochains.
Compliqué... je serai sans doute bientôt prêt à dire les choses dans l'ordre (et sans que ca fasse un roman de gare de 500 pages).
Pour finir, "pas broullon" -> Ouf !

Anonyme a dit…

Ouais ça se sent mais bein, c'est normal d'après tes écrits, tu vas pas nan plus sortir imdem.
Et pis c’est comme tout, faut laisser du temps au temps.....